RECONFINEMENT – Télétravail : les menaces de la ministre n’ont pas de réel fondement légal

La ministre du travail Elisabeth Borne a multiplié les échanges avec des dirigeants d’entreprise pour les sensibiliser à l’une des nouvelles consignes gouvernementales liées au reconfinement : le rétablissement provisoire de l’activité à distance, du télétravail. La Commission juridique du mouvement ETHIC s’est penchée sur la question du télétravail.

C’est  aux entreprises qu’il appartient de définir, au cas par cas, les mesures adaptées en matière de travail et d’emploi des salariés !

C’est l’article L4121-1 du Code du Travail qui définit le cadre et en l’occurrence qui prévoit que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Même si le Protocole National de lutte face à l’épidémie de Covid-19  (actualisé au 29 octobre 2020 ) prévoit que le télétravail  doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent… Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance ».

Pour autant, ce Protocole ne constitue pas un outil juridiquement contraignant, mais un ensemble de recommandations devant permettre aux entreprises de s’acquitter de leurs obligations préventives de sécurité (Conseil d’Etat, arrêt n°44809 du 19 octobre 2020). En outre, l’article L 1222-11 du Code du travail prévoit expressément la faculté, et non l’obligation, pour l’employeur d’avoir recours au télétravail en cas de menace d’épidémie, celui-ci étant considéré alors comme un aménagement de poste.  Ce que sont largement près à faire les entrepreneurs …

C’est donc pour l’employeur une faculté et non une obligation.

Pour autant, au titre de son obligation générale de prévention prévue à l’article L 4121-1 du Code du travail, l’employeur pourrait se voir reprocher l’absence de mise en place du télétravail si celui-ci est possible, ce qui est totalement subjectif dans de très nombreux cas. Sa responsabilité civile d’employeur pourrait alors être engagée de ce fait.

Il appartient aussi aux chefs d’entreprises selon la loi, d’évaluer et de prévenir les nombreux inconvénients et risques pouvant être générés par le télétravail : isolement social, isolement professionnel, sédentarité facteur de risques circulatoires, cardio-vasculaires, troubles du sommeil… sans compter l’utilisation massive des outils technologiques, l’ergonomie inadaptée, les conditions de travail difficiles, surtout dans de petits espaces avec un conjoint en télétravail également ou des enfants en bas âge. 

Le danger informatique est en outre là et bien là, le hacking est un business fructueux qui a explosé du fait de la COVID, profitant de ce travail à distance où l’on est sollicité sous de faux prétextes, on tente de revendre des informations à des concurrents, une pratique émanant majoritairement des pays de l’est et asiatiques qui ont de grandes compétences informatiques. Les banques sont très hésitantes à faire traiter dossiers et comptes en banque  par un personnel à domicile.

Le gouvernement n’a en outre manifestement pas pris en considération une autre réalité c’est que  jusqu’en 2020 le télétravail était très minoritaire en France, de sorte que la plupart des entreprises n’y sont pas préparées ce qui accroit les risques.

L’efficacité économique a  été  aussi occultée ou ignorée des rédacteurs de la loi.

Le télétravail peut être très adapté dans certains contextes; pas de difficulté majeure lorsqu’il s’agit que chacun depuis son domicile exécute sa tâche dans le cadre d’un projet déjà défini, mais lorsque l’entreprise doit définir une nouvelle stratégie, développer un nouveau projet, le collectif est indispensable .

Mais rassurons-nous, sur le plan pénal, s’agissant de la menace à peine voilée de la ministre du travail évoquant  en cas  de non travail le délit de mise en danger de la vie d’autrui, les éléments constitutifs de l’infraction n’apparaissent pas réunis puisque la commission de l’infraction suppose la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement (C Pén.  Art 223-1).

Il faut donc retenir  que dans le louable  le désir d ‘être obéie, la ministre  du travail  s’est bloquée dans une opposition accusatrice et autoritaire, une source d’une inquiétude supplémentaire dont entrepreneurs et salariés apeurés  qui ne  savent plus comment d’organiser, n’ont vraiment pas besoin!

Commission juridique du mouvement ETHIC, présidé par Jean-Vasken Alyanakian

Rédigé par Guillaume VERDIER, avocat, cabinet TNDA, référent Ethic santé au travail

Julien BOUTIRON, avocat cabinet CICERON, droit du travail et droit social